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Cancel culture : une nouvelle ère marketing

Ou comment la culture de l’annulation affecte la relation entre les marques et les consommateurs d’aujourd’hui.

La « Cancel culture » : l’expression tendance, galvaudée, qui a fait le tour de l’actualité des dernières années. On pense savoir ce que c’est, mais… le sait-on vraiment ?

Récemment, la thématique a été abordée au sein du téléroman québécois L’empereur. Le personnage principal, Christian Savard, y est dénoncé pour agressions sexuelles et pour la culture toxique qu’il alimente au sein de son entreprise, une agence de publicité (uh-uh 👀). Il en subit les revers dans les sphères personnelles, mais aussi professionnelles de sa vie alors que clients, organismes caritatifs et représentants souhaitent se dissocier de lui et de sa marque.

C’est donc dire que les marques sont aussi le reflet des actions de leurs membres et surtout de leurs têtes dirigeantes. Pour elles, cautionner ou fermer les yeux sur des propos ou des comportements problématiques peut avoir de lourdes conséquences sur leurs réputations et sur leurs activités commerciales, à plus grande échelle.

Cet exemple montre bien comment la Cancel culture ne touche pas que les personnalités publiques. Le phénomène s’étend également aux marques et aux entités représentées par elles, bien qu’il les affecte différemment.

Et si l’expression « Cancel culture » fait sa place dans le langage commun dès 2020, ce n’est qu’en 2021 qu’on a vu apparaître pour la première fois une définition formelle du phénomène, dans ce que le Merriam Webster qualifiait de « comportement qui, notamment via les réseaux sociaux, vise à dénoncer publiquement un individu ou un groupe présumé d’avoir tenu des propos […] jugés offensants […] et à les rejeter ainsi que tout ce qui leur est associé et à encourager la population à faire de même ».

Changement de cap

Les entreprises se sont longtemps tenues loin des débats politiques, sociétaux et éthiques. Les dernières années ont néanmoins marqué un tournant dans leur façon d’appréhender les polémiques : « brands can no longer afford to remain neutral because neutral is viewed as complicit¹ », comme l’a énoncé Kian Bakhtiari dans un article du magazine Forbes.

« Brands can no longer afford to remain neutral because neutral is viewed as complicit. »

L’un des exemples ayant marqué l’imaginaire collectif est certainement celui du soutien affiché au mouvement Black lives matter par des entreprises comme Ben and Jerry’s, Reddit, Shopify, etc. On se souvient aussi de l’association entre Nike et le joueur de la NFL et activiste, Colin Kapernick pour la promotion d’une campagne publicitaire célébrant le 30e anniversaire de la signature « Just do it »².

Dans une étude sur le sujet, les analystes évaluent que le positionnement social assumé par la multinationale d’équipement de sport, à ce moment-là, a permis de rejoindre une nouvelle clientèle, plus jeune, différente de celle qu’elle avait déjà acquise. Une clientèle désireuse d’encourager des marques qui s’impliquent dans les débats politiques³.

C’est là le symptôme d’une nouvelle dynamique qui transforme non seulement la relation entreprise-client, mais aussi le marketing dans sa globalité. Selon Edelman, « from function to aspiration […]. Brands can take a stand across a spectrum of action from purpose to activism⁴ ». Ainsi, les consommateurs s’attendent non seulement à voir les entreprises communiquer des messages concrets et politiques, mais souhaitent EN PLUS les voir réaliser des actions concrètes. Un phénomène qu’on appelle le Brand democracy :

« The consumer believes that brands are the most effective force for change. Fifty-three percent of respondents agree that brands can do more than the government to solve social ills. »

Les bottines suivent les babines

Les consommateurs sont devenus activistes. Chacun de leurs achats et l’appui qu’ils manifestent aux marques deviennent, par extension, des choix politiques. C’est principalement pour cette raison que les entreprises se retrouvent parfois noyées de commentaires ou d’avis négatifs sur leurs profils sociaux. Le public a une opinion sur tout et possède un éventail de moyens viraux pour la communiquer.

Les réseaux sociaux ont fortement participé au phénomène en popularisant, par exemple, l’utilisation du fameux mot-clic #cancel pour dénoncer les entreprises ou les personnalités publiques dont les paroles ou les gestes s’inscrivent en opposition avec leurs valeurs.

De là découle aussi le concept de trust-washing ou de woke-washing, décrit par Bradley comme : « When a company is just trying to get in the public’s good graces with a lot of talk and no action ».

Il faut se rappeler que les consommateurs veulent voir des actions concrètes être mises en place par les organisations qu’ils endossent. Ça peut se faire soit en revisitant les programmes d’avantages destinés à leurs employés, soit en versant une partie des profits liés à la vente de produits à une cause ou en offrant une plateforme à une communauté issue de la diversité. Les possibilités sont presque illimitées ! Retenez que le consommateur d’aujourd’hui veut voir les marques contribuer positivement à la société à la mesure des messages qu’elles propagent.

Saviez-vous que, toujours selon Edelman, 56 % des consommateurs pensent que « too many brands use societal issues as a marketing ploy to sell more of their product ». Ça veut dire que vos bottines doivent suivre vos babines en TOUT TEMPS, si vous voulez maintenir le lien de confiance avec votre clientèle. Oui, ça nécessite de déployer plus d’efforts, mais au final, c’est ce qui permettra d’assurer une meilleure cohésion entre votre image de marque et l’expérience-client.

Pssst ! Sans vouloir vous spoiler, c’est pas mal ça le secret pour fidéliser sa clientèle.

La faute de l’algorithme, vraiment ?

Les utilisateurs se retrouvent très souvent dans une chambre d’échos médiatique.  « Les algorithmes des réseaux sociaux nous exposent en priorité aux contenus qui renforcent et amplifient nos croyances et nos opinions. Ils pourraient même nous empêcher d’être confrontés à des arguments et des faits qui les contredisent⁵ », nous indiquent les chercheurs de la BAnQ. Un consommateur est donc souvent confronté à des idéologies qui s’apparentent à celles d’un même groupe d’utilisateurs, ce qui augmente ses chances de se retrouver dans une boucle de messages haineux qui l’encouragent à boycotter une marque.

Survivre à la cancel culture

Jessica Vittorio, avocate et autrice du livre « How not to fuck it up: Legals basics for entrepreneurs on the go » l’a mentionné à plusieurs reprises dans cet article du magazine Forbes :

« Owning and managing a brand in the age of social media is a chaotic and fast-paced responsibility. ».

Peu importe le marché et la grandeur d’une entreprise, la réputation (et maintenant plus que jamais l’e-réputation), c’est tout ! De manière légale, l’avocate propose d’avoir des clauses de moralités avec les partenaires externes à l’entreprise, afin d’éviter de se retrouver dans un mouvement d’annulation qui à la base n’est pas orienté vers ladite entreprise.

Vers un marketing d’indignation

La culture de l’annulation ne risque pas de disparaître de sitôt. Les entreprises doivent apprendre à naviguer à travers ce phénomène. C’est en étant à l’écoute et en posant des gestes cohérents avec ses valeurs qu’une entreprise pourra rejoindre la bonne audience, avec le bon message, au bon moment. Certes, les actions marketing risquent d’être teintées de discours politiques et sociaux, mais ces nouveaux axes de communication répondent aux attentes des nouveaux consommateurs.

Faites quand même attention au trust-washing. Les générations Y et Z ne sont pas dupes, au contraire ! Armées de toute la connaissance du monde au bout de leurs doigts, une entreprise risque plus à adopter des positions qui ne s’incarnent pas dans des gestes concrets, qu’à rester 100 % transparente. N’oubliez pas que vos clients sont toujours à un clic de la vérité !

Et si les plateformes numériques offrent aux marques des outils incroyables pour les faire rayonner, d’autres profitent du climat toxique et anxiogène qu’elles génèrent pour utiliser une nouvelle stratégie : le marketing d’indignation. La culture de l’annulation aurait-elle plutôt contribué à alimenter un nouveau type de marketing encore plus toxique ? On s’interroge encore !

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——
Un article d’Angelica Williamson

Adapté du contenu original Une nouvelle ère marketing : la culture de l’annulation, avec la collaboration de Maud Nydegger-Ducharme.


Sources :

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